L’assurance-crédit dans les contrats d’affacturage

La garantie contre les impayés proposée par les factors est optionnelle, mais elle peut rendre bien des services aux petites entreprises

La croissance du marché de l’affacturage se poursuit inexorablement. Dans le même temps, les factors multiplient et affinent leurs produits pour capter davantage de clients. L’assurance-crédit, qui garantit les impayés, est l’un des piliers de leurs offres et intéresse tout particulièrement les TPE et les PME. Car même s’il a un coût, ce service optionnel permet de mieux connaître ses propres clients, et donc de soigner son BFR. D’ailleurs, du fait de la concurrence accrue entre les acteurs de ce marché en croissance constante, les tarifs deviennent de plus en plus compétitifs tandis que les offres s’affinent.

par Christophe Morel

Les vertus de l’assurance-crédit


Mieux connaître ses clients, mieux gérer son BFR

L’assurance-crédit permet au client du factor de se prémunir contre le risque d’insolvabilité de sa propre clientèle. Tous les risques d’impayés sont pris en charge par cette assurance. Il s’agit donc d’un service supplémentaire à la mission principale de la société d’affacturage, qui est le financement court terme aux entreprises. “L’assurance-crédit va concourir clairement à la solidité du BFR et du poste client de l’entreprise. L’entreprise va mieux connaître ses propres clients et pourra orienter sa démarche commerciale en connaissance de cause” explique Bozana Douriez, directrice générale de BNP Paribas Factor. Ce service d’assurance-crédit tient en effet à jour toutes les cotations des entreprises, à savoir les notations quant à leur solidité financière. Il s’agit de critères de référence dans les échanges commerciaux. Donc en amont, les entreprises qui font appel à un factor bénéficient d’un audit de leurs propres clients. L’assurance-crédit permet également d’obtenir des renseignements sur la solvabilité des clients étrangers ainsi que sur le risque pays. Notons que l’assurance-crédit à l’export gère également la couverture sur le risque de change.

“Chaque client nous donne le nom de ses acheteurs qu’il souhaite voir facturés. Dans un délai très bref, on va lui dire ce que nous finançons ou non. Nous déterminons également les plafonds en assurance-crédit que nous prendrons sur tel ou tel acheteur. Ces données sont évolutives dans le temps. Nous pouvons en permanence modifier les niveaux. Nos procédures permettent à nos clients d’être renseignés sur la qualité de leurs propres acheteurs” souligne pour sa part Christophe Carles, directeur général de Natixis Factor. Si le factor refuse de couvrir tel ou tel acheteur en assurance-crédit, le client va comprendre qu’il y a un problème avec ledit acheteur. Celui-ci n’est peut-être pas de bonne qualité, ou bien il a peut-être saturé toutes ses lignes chez les assureurs crédits. Il s’agit donc d’une information intéressante pour les entreprises en termes de gestion de poste client et de BFR.

Un métier de gestion de risque

Pour l’entreprise, quelles sont les modalités pratiques de l’assurance-crédit ? “Nous assurons rarement à 100 %, au-delà de 95 %, c’est très rare. Il y a donc très généralement une franchise. À ce niveau aussi, nous faisons du cas par cas. Cela dépend du profil de l’entreprise, du pays, de la durée du contrat, etc. Nos équipes d’arbitres font tourner nos modèles en permanence afin de faire des cotations et des propositions de couverture”, précise Christophe Carles.

Les offres des factors deviennent chaque année plus compétitives. Ainsi, une assurance-crédit comme Eurofactor, proposée par Crédit Agricole Leasing & Factoring, ne comporte pas de franchise, pas de limite de décaissement et couvre le client à 100 %. L’évolution du marché va-t-elle se poursuivre dans ce sens ? “Nous pouvons être amenés à exclure certains acheteurs si nous ne sommes pas confiants quant à leurs capacités de paiement, si nous disposons de peu d’informations quant à leur solvabilité ou s’ils interviennent dans des pays que nous considérons à risque ou non coopératifs. Les défauts de paiement des créances que nous avons financées restent relativement marginaux par rapport à la masse des encours traités car nous avons opéré une sélection des acheteurs. En 2015, nous avons eu moins de demandes d’indemnisation” détaille Béatrice Collot, directeur trade et affacturage de HSBC France. Par ailleurs, il faut savoir que dans l’hypothèse d’un litige commercial entre le vendeur et l’acheteur, l’entreprise n’est en règle générale pas couverte par l’assurance-crédit. Il s’agit d’un cas où le factor peut exercer un recours à l’encontre de son client.

Par nature, comme les autres formes de financement, l’affacturage comporte un facteur risque pour le financeur, à savoir le factor. Cet élément risque peut prendre différentes formes. “Nous avons à assumer des défauts de paiement de certaines entreprises, car nous faisons un métier de risque. La fraude fait partie de ces risques. Nos équipes sont malheureusement habituées à la fraude donc elles savent la détecter en amont. Autre cas de sinistre, ce sont les défaillances de l’entreprise, donc des acheteurs. Cela se produit malheureusement tous les jours. Nous essayons de récupérer par tous les moyens légaux nos créances, mais parfois, nous n’y parvenons pas. Cela fait partie des risques que nous connaissons et que nous intégrons dans notre business model. Le niveau des commissions que nous proposons aux clients doit couvrir ce coût de risque”, reprend Christophe Carles.

PME et grands groupes, à chacun sa logique


Les bonnes raisons de souscrire – ou pas – une assurance-crédit

La décision de recourir ou non à l’assurance-crédit proposée par le factor dépend pour beaucoup de la taille et de la structuration de l’entreprise. “Les petites structures viennent d’abord à l’affacturage pour trouver des solutions de financement. Mais elles bénéficient en plus de services à valeur ajoutée comme la relance, le recouvrement et la garantie, pour lesquels elles ne sont souvent pas organisées. Le full factoring est donc largement déployé sur les très petites entreprises et certaines PME. Le factor va ainsi résoudre le problème de trésorerie et, du fait de sa marque et des volumes traités, un factor comme BNP Paribas Factor va pouvoir proposer des tarifs en assurances crédit beaucoup plus attractifs pour une petite structure” souligne Bozana Douriez, directrice générale de BNP Paribas Factor.

En effet, il est bien rare que les petites entreprises possèdent leur propre assurance-crédit. Le factor la propose donc dans son package de services. L’idée est que le chef d’entreprise confie la gestion de son poste client à un factor qui va gérer l’ensemble des opérations. Selon les chiffres de différents prestataires, 100 % de la clientèle de professionnels a recours à l’assurance-crédit ; 70 % des TPE sont ainsi couvertes et, pour les PME, ce taux se situe entre 50 et 70 %.

“Nous avons constitué des offres pour les professionnels volontairement encadrées, à savoir des forfaits avec des standards de prestations, poursuit Bozana Douriez. Les clients professionnels et les petites entreprises ont très majoritairement besoin des trois services. Beaucoup de nos clients apprécient ce bouquet de services packagés qui leur permet de se concentrer pleinement sur le cœur de leur activité.”

Dès lors, pourquoi certaines entreprises ne recourent-elles pas à l’assurance-crédit dans le cadre d’un contrat d’affacturage ? Les raisons sont diverses.

Certaines y renoncent par rapport au coût, même si ce n’est pas le poste le plus important dans un contrat d’affacturage. “Nos clients bénéficient pourtant de tarifs avantageux du fait de l’effet volume qui impacte les prix, car le factor a des encours très importants”, détaille Orli Hazan, directeur des opérations clients affacturage de Crédit Agricole Leasing & Factoring. D’autres ne souhaitent pas d’assurance-crédit car elles estiment connaître suffisamment leurs acheteurs et leur font confiance quant à leur solvabilité.

“Dans le cas où notre client ne contracte pas d’assurance-crédit, il est très important pour nous de vérifier la qualité des acheteurs. Si les acheteurs de nos clients sont, par exemple, de grandes entreprises bien connues et non risquées, nous pouvons alors décider d’intervenir sans assurance. Nous pouvons aussi mettre en place des contrats sans assurance pour des plus petites entreprises, dès lors que nous disposons d’informations suffisantes sur leurs acheteurs. Car un contrat sans assurance nécessite des contrôles accrus afin d’assurer à notre client le meilleur financement et le meilleur service possible en limitant notre risque”, précise Béatrice Collot, directeur trade et affacturage de HSBC France.

Grandes entreprises, la délégation de l’assurance-crédit
La problématique est très différente pour les grandes entreprises. Ces dernières, et en particulier les groupes du CAC 40, sont venues sur le tard à l’affacturage, et pour des raisons différentes de celles des PME et TPE.

“Nous sommes également positionnés sur les grandes entreprises, notamment du CAC 40, à qui nous proposons du service sur mesure, notamment de la déconsolidation pour alléger l’actif de leur bilan, et de l’european pass pour l’ensemble de leurs filiales européennes. Notre croissance est tirée également par ces très grandes relations” précise Orli Hazan de Crédit Agricole Leasing & Factoring. Les contrats avec les grandes entreprises ont en effet souvent une vocation déconsolidante.

Ces dernières ont leur propre direction financière avec en son sein une direction de crédit-management qui pilote le poste client. Elles ont en permanence une vision des risques et n’ont donc pas besoin du service analyse de risque qui va de pair avec l’assurance-crédit. Ces grands groupes ont d’ailleurs leurs propres assureurs crédits. Quand ils ont recours à l’affacturage, ils délèguent au factor leur police d’assurance-crédit, ou certains des factors de la place prennent eux-mêmes une assurance-crédit.

“Des entreprises plus matures, avec une volumétrie plus certaine, peuvent demander l’accostage d’un factor sur leur police d’assurance-crédit. Les factors ont beaucoup travaillé sur ce sujet de la délégation de l’assurance-crédit sur leur programme d’affacturage. Il y a alors une partie du programme à la carte, qui tient compte du portefeuille et des polices d’assurance-crédit mis en place par l’entreprise elle-même. Dans ce cadre, l’assurance-crédit est portée par un prestataire du marché qui va déléguer le droit à indemnité au factor”, précise Bozana Douriez, directrice générale de BNP Paribas Factor.

Encore un effort de communication

“Nous avons un rôle presque sociétal : des petites entreprises meurent bien qu’elles aient un carnet de commandes, par manque de trésorerie. De notre côté, il faut sans doute que nous soyons un peu plus souples dans la sélection de nos clients et dans nos scores d’octroi. Il faut que nous diffusions encore plus auprès de notre propre réseau de banque de détail notre savoir-faire”, assure Orli Hazan, directeur des opérations clients affacturage de Credit Agricole Leasing & Factoring. Bozana Douriez, directrice générale de BNP Paribas Factor, reconnaît qu’il y a encore un vrai travail à mener sur l’image, mais aussi sur la lisibilité des produits.

Car si les mentalités continuent à évoluer, le marché reste à évangéliser. En France, environ 10 % des entreprises ont recours aux services d’un factor alors que pour l’assurance-crédit, le taux d’équipement est proche de 50 %. À titre de comparaison, au Royaume-Uni, quatre fois plus d’entreprises font appel à de l’affacturage. Il est vrai que certaines activités ne sont pas affacturables, notamment pour les entreprises qui travaillent en b-to-c. “Il faut que l’on fasse mieux savoir que l’affacturage est devenu un produit plus simple, plus rapide, plus fluide, moins coûteux. Une majorité de TPE et de PME restent encore attachées à la relation bancaire traditionnelle”, conclue Christophe Carles, directeur général Natixis Factor.

Les autres services de l’affacturage

Le financement, la relance et le recouvrement, ainsi que l’assurance-crédit : tel est le bouquet de services qui fait la force de l’affacturage. Ce trio de services peut s’avérer bien utile à une entreprise lorsque l’on sait que près de 25 % des dépôts de bilan sont attribués à la défaillance financière d’un client. L’Observatoire des délais de paiement assure que ces retards de paiement ont engendré 16 milliards d’euros de manque à gagner dans les trésoreries des PME en 2015. Ce qui veut bien dire que l’aspect relance et recouvrement demeure une prestation essentielle.

La mission première d’un factor est donc bien de faire du financement court terme auprès de clients qui ont besoin de trésorerie dans le cadre de leur activité courante ou dans le cadre de leur développement. Sur ce type de financement, la réactivité du factor est une donnée essentielle pour l’entreprise.

Chère concurrence :
Sur un marché en croissance constante, la concurrence fait baisser les prix et améliorer les offres

Il y a une dizaine d’années, l’affacturage était généralement utilisé par les entreprises en difficulté, alors qu’elles avaient peu ou pas d’autres possibilités de financement. La situation est aujourd’hui très différente. L’affacturage est devenu le deuxième moyen de financement des entreprises à court terme, après le découvert, mais avant la dailly et l’escompte. Il apparaît que les sociétés anticipent nettement plus leurs besoins et, dès lors, elles utilisent l’affacturage comme une diversification de leurs moyens de financement. Ce trend est très marqué sur le segment des moyennes et des grandes entreprises. Depuis plusieurs années, la profession s’est organisée pour répondre aux besoins de l’ensemble des segments de clientèle. Du fait que le financement est fondé sur le poste client et sur des factures certaines, liquides et exigibles, un factor peut ainsi intervenir sur tout type d’entreprise, quel que soit son stade de développement, y compris en phase de création. L’assurance-crédit se présente alors comme un moyen de sécuriser le process.

“Depuis quelques années, ce marché évolue considérablement et les produits se segmentent assez fortement. Aujourd’hui, l’activité est beaucoup plus digitalisée et rapide. Nous faisons bien entendu toujours de l’affacturage traditionnel, mais aussi maintenant de la syndication de factors, des opérations déconsolidantes, des opérations de mandats de gestion, bref, des opérations beaucoup plus sophistiquées”, explique Christophe Carles, directeur général Natixis Factor.
Érosion des marges

À titre d’exemple, à fin 2015, le chiffre d’affaires de Crédit Agricole Leasing & Factoring, n° 2 en France derrière BNP Paribas Factor, a progressé de 10 %. Le chiffre d’affaires factoré représente 42,5 milliards d’euros. Pour sa part, le produit net bancaire (PNB) est stable. Ceci s’explique d’une part par une compression des marges, et d’autre part par des taux d’intérêt bas. Sur le premier trimestre 2016, la progression est de 5 %. La majorité des factors progressent assez nettement sur l’export. “Avec des taux d’intérêt et un Euribor très bas, il est extrêmement compliqué de maintenir nos marges. Par ailleurs, le marché de l’affacturage est désormais mature en France avec de nombreux grands acteurs. Fatalement, dans ce marché devenu très concurrentiel, le taux de notre commission d’affacturage, qui est un des leviers de notre PNB, a tendance à baisser sur ces dernières années”, explique Orli Hazan, directeur des opérations clients affacturage de Crédit Agricole Leasing & Factoring.

Si les factors s’inquiètent de l’érosion de leurs marges, cette concurrence toujours plus importante bénéficie aux entreprises clientes qui profitent de tarifs plus compétitifs. “Du fait de la concurrence beaucoup plus vive qu’il n’y a encore quelques années, les marges ont sensiblement baissé. Cette évolution rend l’affacturage d’autant plus attractif pour les entreprises. Le niveau de service et les capacités de réaction des factors se sont améliorés. Nous proposons davantage d’outils en ligne, ce qui a permis d’améliorer l’expérience client”, assure Christophe Carles.

Soulignons par ailleurs une évolution des solutions prisées par les entreprises. “Nous proposons notamment le full factoring incluant la fonction de recouvrement. Mais nous constatons que ces dernières années, ce type d’affacturage est en régression au profit de l’affacturage confidentiel”, note Béatrice Collot, directeur trade et affacturage de HSBC France.

Publié le 26/05/2016