Comportements de paiement des entreprises en France et en Europe 3ème trimestre 2015

La France ne lâche pas son titre de champion d’Europe des petits retards de paiement avec 13,2 jours au 3ème trimestre 2015, qui voit l’amorce d’une détente encore trop timide.

Dans le secteur privé, les factures « dorment » en moyenne 12,4 jours chez les petits entrepreneurs et 14,7 jours chez les ETI-GE. Les retards de paiement atteignent 16,6 jours dans l’administration de l’Etat et jusqu’à près de 19 jours pour les grandes collectivités locales.

« Les retards de règlement, en hausse rapide et continue depuis plusieurs mois, avaient atteint au début de l’été 2015 leur pire valeur sur dix ans à 13,6 jours. A fin septembre, la dégradation est stoppée, mais l’inversion de la courbe est encore trop timide pour confirmer un retour durable vers de meilleures pratiques commerciales. Sur ce troisième trimestre, le retard moyen global calculé sur l’ensemble des factures analysées par Altares se fixe à 13,2 jours, soit encore très au-dessus du seuil des 12 jours franchi un an plus tôt. Apprécié sur les seules factures en retard de règlement, le délai additionnel est même de 20,8 jours. »commente Thierry Millon, Directeur des Etudes Altares.

Illustration de cette correction des comportements de paiement à la fois légère et peu convaincante, les grands retards supérieurs à 30 jours sont un peu moins fréquents, mais les règlements à l’heure aussi. 7,5% des entreprises présentent des retards supérieurs à 30 jours, contre 8% trois mois plus tôt. Dans le même temps, 36,2% des organisations payent leurs factures à l’heure, contre 36,5% trois mois plus tôt et 39% début 2014.
C’est sur le front des petits retards inférieurs à 15 jours que doit se concentrer l’attention des fournisseurs. La France ne lâche pas son titre de champion d’Europe des petits retards. Le tiers des entreprises (33,2%) en sont coutumières (27,4% en Europe).
L’Europe se caractérise également par une absence de tendance claire et a fortiori partagée. Le retard moyen global est quasi stable à 14,5 jours sur le troisième trimestre. Le Portugal demeure le mauvais élève avec près de 30 jours de retard, derrière l’Italie juste sous les 20 jours. L’Allemagne, proche des 6 jours, continue de montrer l’exemple mais les comportements de paiement se tendent encore légèrement pour le troisième trimestre consécutif.

Les retards de règlement Privé Public

Dans le secteur privé, l’amélioration des comportements de paiement est globalement constatée chez tous les entrepreneurs individuels, mais est davantage sensible chez les plus grands d’entre-deux. Alors que sur l’ensemble des artisans-commerçants la baisse est assez limitée (12,3 joursen T3 contre 12,6 jours en T2), celle-ci s’accélère chez ceux employant plus de 20 salariés (13,9 contre 14,9).

Sur les sociétés commerciales, le retard moyen est supérieur d’une journée à celui constaté chez les entrepreneurs individuels, mais là aussi il recule légèrement à 13,4 jours en T3. L’effort est davantage porté par les petites sociétés commerciales, tandis que, les paiements restent sous pression dans les plus grandes, au-delà de 250 salariés (14,7 jours).

« Les entreprises de petite taille sont moins tentées de recourir au crédit fournisseur, d’autant que le rapport de force leur est défavorable. Lorsque la petite entreprise peut payer ses fournisseurs, elle le fait généralement à l’échéance de la facture sans chercher délibérément à gagner quelques jours de trésorerie. En revanche, lorsqu’elle est financièrement plus tendue, la microentreprise va reporter plus franchement ses règlements. Ce trimestre le confirme encore. Les petites sociétés de mois de 3 salariés sont trois fois plus nombreuses à reporter leurs paiements de plus de 30 jours que celles de plus de 250 salariés (8,7% contre 2,6%). » ajoute Thierry Millon.

Le secteur public, en particulier pour ses plus grandes structures, règlent ses fournisseurs avec généralement plus de retard que dans le privé.
Les organisations publiques employant jusqu’à 20 agents présentent des comportements de paiement globalement comparables à ceux observés dans le privé. En revanche, au-delà de cette taille, les dérapages s’accélèrent. Il faut compter alors généralement 17 jours de retard en moyenne pour les EPIC ou l’administration de l’Etat. L’effet de taille est très sensible sur lescollectivités locales ; si les plus petites d’entre-elles parviennent à tenir des retards de paiement sous les 10 jours, les plus grandes sont à 19 jours en moyenne.

« Sous le poids des procédures pour les plus grandes et des contraintes budgétaires pour la plupart, les organisations publiques peinent à trouver le bon équilibre leur permettant tout à la fois de garantir une saine gestion des recettes, tout en soutenant l’économie locale, de gérer les dépenses, tout en évitant d’avoir à payer des intérêts de retard qui fragiliseraient davantage les budgets. » analyse Thierry Millon.

Les retards de règlement par activité

La plupart des activités s’inscrivent dans une tendance de faible amélioration des comportements de paiement.
C’est ainsi le cas de l’industrie manufacturière, dont le retard de règlement repasse sous les 12 jours à 11,7 jours. Toutefois, comme en T2, seulement 28,7% des industriels règlent leurs factures à l’échéance.
Le respect des dates de factures est également stable et faible dans le commerce de gros à seulement 27,1% pour un retard moyen qui s’établit à 13,1 jours.
Dans le transport routier de marchandises, le report des règlements se réduit légèrement mais demeure élevé à 16,5 jours en moyenne, dans un contexte où moins d’un quart des factures (22,6%) sont payées à date.
Les services informatiques & édition de logiciels ne font guère mieux avec 24,8% de règlements à l’échéance, pour un retard moyen qui se dégrade de 0,3 jours à 14,7 jours.
Le respect des délais de paiement est de 31,6% dans les services aux entreprises, soit 10 points de moins que dans les services à destination du particulier (41,7%)
Avec 40% de règlements à l’heure, le commerce de détail fait figure de bon élève, d’autant que le retard moyen retombe à 12,5 jours contre plus de 13 jours trois mois plus tôt.
Mais c’est dans les débits de boisson que l’amélioration est la plus sensible avec 43,9% de règlements effectués sans retard, contre 42% avant l’été. Dans ces conditions, le report moyen de paiement recule de près de 2 jours en seulement trois mois à 17,9 jours contre 23,5 jours.
Dans l’agriculture, l’élevage reste sous tension avec un retard moyen porté à 15,5 jours. Plus sensible encore, plus d’un éleveur sur dix (11%) reporte ses paiements de plus de 30 jours (10,6% trois mois plus tôt).

En matière de délais de paiement aussi, l’heure du digital a sonné.

« La problématique des délais de paiement est à ce point sensible, que nombre d’acteurs privés comme publics s’investissent pour faire bouger les lignes. Si en phase de reprise économique, le recours au crédit fournisseur est traditionnellement le premier levier utilisé par les entreprises pour tenir le Besoin en Fonds de Roulement, il demeure que cette mécanique asphyxie les structures les plus fragiles. La distinction peu flatteuse de champion d’Europe des petits retards confirme pour partie des mauvaises pratiques volontaires, mais illustre également une relation fournisseur-client à transformer.
L’heure du digital a sonné ! Dématérialisation des commandes, dématérialisation des factures, plateforme d’échanges entre clients et fournisseurs sont autant facteurs de fluidité du traitement de la chaine de facturation, qu’un levier de maîtrise des coûts. Le non-respect des délais légaux, c’est-à-dire généralement 60 jours dans le privé et 30 jours dans le public, tient parfois à des documents de facturation non conformes ou incomplets. La digitalisation de la chaine des paiements, voire de tout le cycle transactionnel, tend à rationaliser les processus, minimiser les litiges, accélérer les règlements et sécuriser la relation.
En France, les grandes entreprises fournisseurs de l’Etat ont pour obligation de passer à la dématérialisation de leurs factures au 1er janvier 2017, avant d’être rejointes par les ETI en 2018, les PME en 2019 puis les micros entreprises au 1er janvier 2020. Sans qu’elle suffise à garantir les délais de paiement des organismes publics, cette résolution participe à moderniser la relation entre les entreprises et « l’administration », mais doit aussi créer des habitudes vertueuses dans les échanges interentreprises. Il s’agit de convertir des processus achats souvent contraignants en performance financière agile et durable pour tous les acteurs économiques. » 
conclut Thierry Millon.